De l'usage à l'addiction, un court métrage
Cette vidéo décrit bien les effets et contre effets des produits et le cycle de l'addiction, et l'entrée dans la maladie.
Il s'agit essentiellement des effets d'un produit sur un sujet, ici le poussin...
Soit! c'est très juste.. mais un peu court jeune poussin!
On nous propose, à travers ce court métrage, un modèle assez ancien qui repose sur deux éléments, le produit et la personne. Un modèle "bivarié" qui revient en force chez les neurobiologistes, et qui consiste à étudier le produit et ses effets sur le cerveau sous l'angle exclusivement chimique, de la dopamine notamment. De nombreuses expériences sont toujours en cours sur des rats pour tenter d'apporter des explications scientifiques, neurobiologiques de l'addiction.
J objecterai à ces travaux que: nous ne sommes pas des rats !!
Le Pérou, la Russie et la Chine ont déjà tenté des expériences similaires sur des humains.
Néanmoins des travaux actuels vont dans le sens d'une réponse neurobiologiques, l'implantation de "puces" dans le cerveau délivrant de la Dopamine (cf Parkinson) est envisagée et testée.
Si il est vrai que l'addiction s'installe lorsque le recours à une substance, ou à une source de plaisir (nourriture, jeux) devient asservissant, ce que montre cette vidéo: c'est à dire la perte de contrôle qui correspond au système de récompense. Il est important de rappeler ce que dit le Dr Alain Morel "l'addiction n'est pas seulement une perte de contrôle..(..). Réduite "à un emballement du système de plaisir" "Drogues, plaisir et politiques", 2007 Alain Morel, Le Flyer Alain Morel
Ce qui revient à dire que l'on ne peut se contenter d'une explication purement cérébrale en matière d'addiction, la vie de la personne, son histoire, son environnement, ses habitudes (comportement) ont aussi une importance fondamentale.
Alors qu'est ce que l'addiction?
Le questionnaire du DSM 5, basé sur les critères de l'addiction de Goodman, nous propose une évaluation d'un niveau d'addiction. Vous trouverez sur ce blog, en lien, des questionnaires d'évaluation de l'addiction sur le site psychoactif Evaluer la gravité de votre addiction et Drugs Meter Evaluer votre addiction, du Dr Adam Winstock, le questionnaire le plus détaillé, mais en Anglais.
Mais quant à donner une définition de l'addiction, l'affaire devient plus ardue. Mauvaises habitudes, maladie, ou dysfonctionnement du cerveau?
Il faut en premier lieu différencier addiction et dépendance.
- Il n'y a pas une dépendance, mais des "dépendances", et elles sont au nombre de 3: comportementale (le geste, le lien café-clopes), physique (présence d'un sevrage à l'arrêt) et psychique (craving).
- La dépendance n'est pas nécessairement synonyme d'addiction. "La dépendance physique induit un phénomène biologique. Etre dépendant d'un traitement ne signifie pas que la personne soit addict" Stephane Robinet Pharm'addict
- A contrario chaque addiction renvoie à au moins une dépendance
On a longtemps retenu la définition du médecin alcoologue français Pierre Fouquet "la Perte de liberté de s'abstenir", si elle est juste elle ne saurait être suffisante.
On pourrait donner comme définition que l'addiction est une perte de contrôle d'un comportement, une impossibilité de réduite ou arrêter un comportement en dépit de ses conséquences physiques, psychologiques et sociales connues par la personne.
Il en résulte que:
- L'addiction ne doit pas être confondue avec la consommation, il existe différents niveaux de consommations: usage simple, usage régulier, usage excessif, abus qui ne sont pas figés!. Une personne peut changer sa consommation au cours de sa vie, selon les évènements vécus. En cas de coup dur, problèmes de santé par exemple, la majorité des fumeurs de cigarettes cessent de fumer (William Lowentein, "ces dépendances qui nous gouvernent, comment s'en libérer")
- L'addiction est bio-psycho-sociale elle est multidimensionnelle et fait intervenir différents champs : anthropologie, médecine, psychologie, social...
Ce modèle "trivarié", bio-psyho-social a été énoncé en France par le Dr Olivenstein: "l'addiction c'est la rencontre entre une personnalité, un produit et moment socio-culturel".
On donne désormais cette définition E=SIC l'addiction est le produit de plusieurs paramètres: substance, individu, contexte.
S = la substance c'est le produit, il est nécessaire de prendre en compte ses propriétés pharmacologiques, les quantités de produit consommés ainsi que son dosage, et le mode d'administration (fumé, inhalé, injecté..), la durée, la fréquence et le rythme des consommations, la qualité du produit ainsi que son interaction avec d'autres produits.
Chaque substance est différente, les dogues illicites sont des comportements plus "masculins" alors que les médicaments sont utilisés par une majorité de femmes.
Certaines substances sont plus addictives que d'autres, un phénomène de sevrage apparaît à l'arrêt, il est important de les prendre en compte afin de proposer une aide thérapeutique médicamenteuse si besoin il y a.
Les substances ne se valent pas, une personne qui commence sa journée avec un verre de whisky pour supporter le manque a une addiction plus sévère qu'une autre qui va consommer le soir en rentrant chez elle du vin ou des bières. Cette dernière contrôlant encore son comportement.
De même il existe une différence entre une personne qui consomme de l'héroïne et une autre qui consomme de la cocaïne, l'effet recherché n'est pas le même et s'apparente souvent à état psychique. L'alcool et l'héroïne sont des sédatifs, utilisées pour s'endormir ou anesthésier ses émotions. La cocaïne est une drogue de performance. Elle était utilisée par les peuples d'Amérique du Sud pour "travailler plus et manger moins". C'est la drogue de l'hyper activité.
I = Individu. On analyse les facteurs biologiques (femmes ou hommes par exemple, hérédités..), psychiques (troubles de l'humeur, anxiété, dépression, autres pathologies) et son histoire (traumatismes, deuils, séparations). Je vous conseille de lire cet article d'Alain Morel, dans le journal "Le flyer" Troubles psychiatriques associés à la toxicomanie. Un trouble peut en cacher un autre, assez fréquent dans les cas de bi-polarité et dépression.
Les personnes que je rencontre dans le CSAPA où je travaille depuis 15 ans ont en commun un parcours de vie difficile: séparations à la naissance ou durant l'enfance, maltraitances physiques et/ou psychologiques, abus sexuels, deuils etc .. associés souvent à des troubles psychiatriques. Ces troubles peuvent être dus à l'enfance, ou aux traumatismes ou événements douloureux rencontrés, l'avancée des connaissances en matière d'épigénétique a permis d'introduire un lien entre des maladies psychiatriques et des événements traumatiques vécus.
- Claire a été maltraitée durant son enfance par tout les adultes de son environnement (famille, puis famille d'accueil et ecole en raison de son comportement "trop agitée"). Adulte elle est agressive voir violente, d une extrême mefiance. Ses relations avec les autres sont difficiles, on la décrit comme "paranoïaque". Elle a développé une méfiance extrême envers les humains qui n'ont été dans son enfance que bourreaux.
- John m'explique que lorsqu'il fume du crack il est enfin calme, alors qu'il vivait dans l'agitation permanente soumis à de fréquents moments d'impulsivité, et qu'au lieu de s'éparpiller, comme à son habitude, il est concentré et en profite pour "faire ses papiers" dans ces occasions. Les troubles de l'attention et de l'hyperactivité se traduisent par des signes d'agitation, d'impulsivité et de défaut de concentration. Aux USA, en Angleterre et dans beaucoup d'autres pays on utilise des amphétamines pour traiter cette maladie. Le produit était bien choisi par cette personne.
- D'un point de vue biologique on peut citer Amy Winehouse qui souffrait de troubles de conduites alimentaires. Des années à se faire vomir, son extrême maigreur ont influé sur sa mort tragique. Les femmes sont plus fragiles que les hommes biologiquement face aux drogues (licites ou illicites) Femmes hommes inégalité devant l'alcool De même des études ont montré que les asiatiques ne métabolisent pas l'alcool de la même manière que les occidentaux.
C = Contexte. Environnement social et économique, pauvreté, chômage, absence d'activités culturelles ou sportives, consommations dans l'entourage, croyances, période adolescence...
Le contexte a son importance. Peu d'activités sportives ou culturelles, un réseau social ou familial peu développé associés à une perte d'emploi favorisent les addictions. D'ou l'importance de développer les compétences psycho-sociales des personnes, mot à la mode certes mais concept issu de travaux extrêmement intéressants.
Nous sommes d'autre part dans une société "addictogène", individualiste, et qui favoriserait l'émergence de nouveaux comportements, culte de la performance, importance de la consommation ("on nous fait croire, que le bonheur c'est d'avoir des quantités de choses qui donnent envie d'autres choses" Foule sentimentale Alain Souchon). L impact de la transformation de la société sur nos comportements, c 'est le concept que développe Jean-Pierre Couteron . Jean-Pierre Couteron "une société addictogène"
Prendre en charge des personnes "addicts" nécessite de prendre en compte ces différents facteurs. Le but de la prise est en charge est d'apporter une soutien thérapeutique multi dimensionnel (TCC, psychothérapies divers) en plus du suivi médical et d'aider la personne à reconstruire des liens familiaux et/ou sociaux, à reprendre une activité professionnelle, sportives, culturelle et à développer ses ressources internes de gestion des émotions (méditation, hypnose etc etc)...les fameuses compétences psycho-sociales.
Et rappelons que si l'addiction touche 10% seulement de la population (toutes drogues confondues) les conduites addictives touchent 25% de la population (W.Lowenstein)
NB : voici un lien du plus metaleux de nos Doc' Français sur le sujet, l'excellentissime Dr Karila, spécialisé dans les addictions au sexe, à la cocaine, aux jeux vidéos, je ne l'avais pas lu auparavant mais je suis ravie de constater que j'ai les mêmes analyses Laurent Karila Haricot
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