Billie Holiday, .. Lady Héroïne
Billie Holiday est morte à l'âge de 44 ans des suites d'une cirrhose et d'une insuffisance rénale, elle mourra entre deux flics sur un lit d'hôpital. Une infirmière a retrouvé dans le tiroir de sa table de nuit un petit paquet contenant de l'héroïne. Elle a prévenu la police. Bille Holiday, mourante, est placée en état d'arrestation. Tout sa vie elle fut pourchassée pour sa toxicomanie.
Billie Holiday était une femme, noire, alcoolique, héroinomane, génie de la musique, autodidacte, libre et émancipée, au dessus de toute morale, de toute loi humaine, une amoureuse surtout. Une femme aux 1000 facettes.
L'histoire de Billie Holliday est faite d'abandons, de séparations, de maltraitances et d'abus sexuels. Ce sont ces élèments que l'on retrouve fréquemment dans le cas d'addictions sévères.
L absence du père laissera en elle des failles a jamais ouvertes.
Elle nait le 7 Avril 1915 de Sadie Fagan, âgée de 16 ans, bien trop jeune et trop attirée par la fête pour s'embarasser d'un bébé et d'un guitariste de Jazz, Clarence Holiday de deux ans son aîné qui ne la reconnaittra jamais mais dont elle prendra le nom comme nom de scène.
Ses premières années sa mère la confie à sa famille. Elle est ballotée entre des tantes et cousines qui l'éleveront, une de ses tantes se montre particulièrement cruelle avec elle. C'est le début de nombreuses maltraitances physiques qu'elle aura à subir toute sa vie.
Très jeune Eleanora Fagan, de son vrai nom, connait une période de mutisme, et est hospitalisée un mois, son arrière grand mère est décedée alors que la fillette fait une sieste dans ses bras. Elle se souviendra de la difficulté qu'elle eut à se libérer de ses bras transformés en étaux par la mort.
Eleanora est vive et enjouée, elle aime la rue, elle sait utiliser ses points pour se faire respecter. Son père, quand il est présent, la surnomme "Bill" pour son caractère bien trempé, de "petit mec".
A 9 ans elle est emprisonnée pour la première fois pour vagabondage. Sous décision de justice elle est envoyée en internat chez les soeurs du "bon berger" où les mauvais traitements et maltraitances sont monnaie courante. Elle en ressort deux ans plus tard à 11 ans.
A l'âge de 12 ans elle est violée par un voisin de sa mère, avec la complicité d'une mère maquerelle, mais c'est elle qui se retrouve en prison, la justice est ainsi faite à l'époque pour les jeunes filles pauvres et noires. A nouveau elle subit les mauvais traitements, lui s'en tirera avec quelques mois de prison.
Sa mère, entre temps, a déménagé à New York pour suivre un amant. Elle travaille dans un bar comme cuisinière et se prostitue à l'occasion.
Eleanora se retrouve seule dans les rue de Balitmore. Elle aime l'alcool frelaté, les cigarettes qui font rire, la compagnie des mauvais garçons et se prostitue à l'occasion dans des bars clandestins ou l'on joue du Jazz.
C'est à Baltimore qu'elle découvre à 11 ans le blues en écoutant les disques de Bessie Smith, "l'Impératrice du Blues" que passe la voisine de sa mère, et qu'elle tente d'immiter. Bessie Smith chante l'alcool, les amours malheureux, le desespoir.
En pleine prohibition Bessie chante "Any Bootlegger is a pal of mine", n'importe quel frabriquant d'alcool est mon ami.."Faites gaffe à vos rasoirs et à vos flingues, On va se faire arrêter quand le panier à salade va arriver" ou "Voilà trente jours que je suis en tôle, le dos au mur, geôlier, mets une autre fille dans ma cellule". Bessie Smith est, dans les années 20, à l'apogée de sa gloire.
Apprenant les errances de sa fille, sa mère la somme de la retrouver à New York. Elle prend le train pour la rejoindre mais s'arrête de son propre chef à Manhattan. Elle y fait une escale de quelques jours, errant seule dans les rues, avant de retrouver sa mère.
De retour au foyer maternel elle doit aider financièrement. Elle commence par faire le ménage chez une femme blanche qui la méprise, lui parle mal. Elle n'est pas prête à accepter les paroles condescendantes d'une maitresse blondasse. Elle quitte cet emploi et préfère, à 14 ans, travailler pour le compte d'une maquerelle qui l'installe dans un studio, lui lave son linge, la nourrit et lui trouve des clients. Mais un soir elle refuse de coucher avec un client qui fait partie de la pègre. Ce dernier lui envoie les flics et c'est à nouveau en prison qu'elle est logée.
Elle ressort épuisée, amaigrie, de ce séjour en prison, mais déjà elle parcourt les bars ou elle fredonne les titres de Bessie Smith et Louis Amstrong. C'est grâce à sa nouvelle "logeuse" qu'elle a découvert les disques de Louis Amstrong.
De maisons de redressements en passant par les bordels, elle échappe à la prostitution et à la délinquance grâce à sa passion pour le Jazz et à sa voix d'or.
Elle qui n'a jamais appris à lire une partition de musique, n'a pas d'avantage pris de cours de chant, elle retient les partitions et les mélodies et les recompose à sa manière. Son père, apprenant son succès grandissant, l'aide à s'améliorer. Mais elle refusera toujours d'apprendre à lire des partitions. Elle chante à "l'oreille".
Il accepte qu'elle prenne son nom en nom de scène, admiratif du succès de sa fille. Elle mélange le surnom qu'il lui a donné, Bill, avec le nom d'une actrice blanche qu'elle adore "Billie Dove". Son nom est trouvé "Billie Holiday".
A 17 ans, le producteur Georges Hammond la repère. Elle enregistre son premier titre "Mother in law". Bien qu'autodidacte elle impose ses choix elle choisit ses mélodies, ses musiciens.
C'est à l'occasion de l'enregistrement de ce premier disque qu'elle rencontre Lester Young, trompétiste de Jazz prometteur, qu'elle considère comme son frère, lui le "clochard celèste" la surnomme "Lady Day" "grande dame orgueilleuse et fière" ,elle, le surnomme "Prez", comme président.
Il dort chez Sadie, sa Mere, et entre Billie et lui, une amitié fraternelle indéfectible naît.
Billie Holiday est une amoureuse, une passionnée, une Baby Doll doublée d'une femme fatale, une femme aux 1000 visages, tour à tour adolescente effrontée, tapineuse sans vergogne, génie de la musique, autodidacte surdouée. Dans ses chansons elle parle de sa vie, de ses amours surtout. Elle ne sera pas particulièrement engagée dans des groupes luttant contre la ségregation, bien qu'elle la vive au quotidien depuis son enfance. Sa grand-mère a connu l'esclavage, les champs de coton. Elle a eu 10 enfants du maître blanc qui vient, les soirs, la retrouver dans sa case. Un seul fils a survécu. Elle aimait raconter à la petite Eleanora les souvenirs de cette époque. La manière dont elle vit, dont elle se rebelle contre l'odre et la morale représentent à eux seuls son combat contre l'injustice, l'injustice d'être femme, d'être noire au début des années 1900 aux USA.
En 1939 elle chante une chanson sulfureuse, écrite par Abel Meeropol, qui raconte le triste sort des noirs américains, lynchés, pendus aux arbres: "Strange Fruit".
Southern trees bear strange fruit
Les arbres du Sud portent un fruit étrange
Blood on the leaves and blood on the root
Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines
Black bodies swinging in the southern breeze
Des corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud
Strange fruit hanging from poplar trees
Un fruit étrange suspendu aux peupliers
Pastoral scene of the gallant South
Scène pastorale du vaillant Sud
The bulging eyes and the twisted mouth
Les yeux révulsés et la bouche déformée
Scent of magnolia sweet and fresh
Le parfum des magnolias doux et printannier
Then the sudden smell of burning flesh
Puis l'odeur soudaine de la chair qui brûle
Here is a fruit for the crows to pluck
Voici un fruit que les corbeaux picorent
For the rain to gather, for the wind to suck
Que la pluie fait pousser, que le vent assèche
For the sun to ripe, to the tree to drop
Que le soleil fait mûrir, que l'arbre fait tomber
Here is a strange and bitter crop !
Voici une bien étrange et amère récolte !
Georges Hammond refusera de la produire, par peur des conséquences. Mais il accepte de la libérer de son contrat pour qu'elle enregistre le morceau. Elle ne passera que rarement à la radio. Cette chanson, 16 ans avant que Rosa Park refuse de céder sa place dans un bus, elle l'interprete avec force et conviction.
Très peu de clubs de Jazz acceptent des noirs ailleurs que sur scène. Billie Holiday joue la plupart du temps devant un public de blancs. Alors qu'elle chante "Strange Fruit" elle est huée par les blancs dans la salle, elle se retourne soulève sa jupe et montre ses fesses nues à l'assemblée outrée.
Billy Et Ses amours
Billie aime danser, boire, chanter, elle aime le sexe, les hommes et les femmes. C est une amoureuse passionnée. L amour elle le place au dessus de toute réussite sociale et professionnelle dont elle ne semble avoir que faire.
Les hommes elle les aime rudes, brusques, violents, des "Bads Boys" qui cognent dur. On dit qu'elle passe d'un homme à un autre comme elle passe d'une note à une autre. Ses musiciens sont ses amants. Elle est libre, meneuse d'hommes avec ses amants et amoureuse soumise avec ses compagnons.
Pour Ben waster, qui roue Bilie de coups, elle chantera "We'll be together again", nous serons ensemble a nouveau.
Son premier mari, Jimmy Monroe, est un voyou notoire, mac à ses heures, il l'initie à l'héroïne et à la cocaïne, et la frappe comme presque tout les autres.
Elle divorce de Monroe et enchaîne les aventures, jusqu'à Joe Guy, lui aussi violent. Elle est célèbre et enchaine tournées sur tournées, sous la coupe de Joe Guy A son propos elle dira "Je suis rapidement devenue une des esclaves les mieux payées de la région, je gagnais mille dollars par semaine, mais je n'avais pas plus de liberté que si j'avais cueilli le coton en Virginie"
John Levy, un des pires, continue l'oeuvre des précédents mari de Billie, il la frappe, la vole et la laisse à leur rupture épuisée et ruinée.
Et pourtant elle a été jusqu'à payer de sa liberté pour cet homme. Lors d une arrestation la police trouve de la drogue chez eux. Elle appartient à John mais c'est Billie qui en prend la responsabilité, elle est condamnée à un an et un jour de prison, sacrifice d'une femme passionée.
John Mac Kay est son dernier mari, ils se marient,; dit-on, pour ne pas avoir à témoigner l'un contre l'autre pour un procès dont ils font l'objet, toujours pour usage de stupéfiant. Ils se séparent rapidement.
C'est lui qui héritera des droits de Billie Holiday.
"1000 hommes avaient laissé des grafitis d'amour autour de ses hanches" a écrit le poète belge Robert Goffin
Billie Holiday et les drogues
Billie Holiday a consommé très jeune l'alcool et cannabis. Avec Jimmie Monroe elle rencontre l'héroine. Puis consomme cocaine, LSD etc etc..
Fétarde devant l'éternel elle enchaine les soirées alcolisées avec ses amants, maitresses, musiciens et autres artistes ou inconnus.
Ses premières cures de désintoxication elle les fait seule, chez sa mère qui veille sur elle alors qu'elle endure les affres du manque d'héroine.
Le décès de sa mère, et la depression qui s'ensuit, va précipiter sa consommation de drogue et d'alcool. Elle s'alcoolise dès le matin.
Elle se décrit comme une malade qui a besoin de soin. En réalité elle sera pourchassée toute sa vie du fait de sa toxicomanie et de son alcoolisme. Elle est exclue un temps de New York, à San Fransisco elle est arrêtée par la police qui la traque, elle doit son acquittement à sa maitresse Tallulah Bankhead, comédienne d'une famille richissime qui fait jouer ses relations.
En 1947 elle prend l'initiative de se faire soigner pour 2000 euros pour 3 semaines, elle entre une cure de désintoxication. A sa sortie elle est arrêtée, un séjour gratuit cette fois-ci en prison, un an et un jour ferme pour consommation de stupéfiants et l'interdiction de chanter dans des clubs de Jazz qui vendent de l'alcool.
En 1956 elle est à nouveau arrêtée avec John Mac Kay pour possession de drogues. Un nouveau procès et une cure de désintoxication, again. Sa santé se dégrade et pourtant elle part en tournée en Europe, joue en France devant, entre autres célébrités, Juliette Greco, Serge Gainsbourgh, Françoise Sagan.
A propos de Billie, François Sagan qui assiste à son dernier spectacle à Paris, écrit: « C'était Billie Holiday et ce n'était pas elle, elle avait maigri, elle avait vieilli, sur ses bras se rapprochaient les traces de piqûres. […] Elle chantait les yeux baissés, elle sautait un couplet. Elle se tenait au piano comme à un bastingage par une mer démontée. Les gens qui étaient là […] l'applaudirent fréquemment, ce qui lui fit jeter vers eux un regard à la fois ironique et apitoyé, un regard féroce en fait à son propre égard. »
Parfois elle doit porter des gants pour masquer les traces d'injection qui parsèment son corps, ses mains. Elle titube et chante grâce à l'aide de ses musiciens qui la soutiennent physiquement.
Elle a des oedemes aux jambes, s'alcoolise du matin au soir.
Le 15 Mars 1959 Lester Young, son frère de coeur, meurt. Ses amis veulent la faire hospitaliser, elle ne se remet pas de ce nouveau deuil, son état se dégrade, ses addictions s'empirent. Le 30 mai, après être tombée chez elle, elle est admise à l'hôpital d'Harlem. On lui donne de la méthadone, sa santé semble s'améliorer. Mais quelques jours plus tard son état de santé s'aggrave. Elle décède le 17 Juillet 1959 à 3h10 du matin à l'hôpital, entouré par deux policiers.
Billie Holiday inspirera de nombreuses chanteuses, dont Amy Winehouse qui connaitra un destin similaire. Comme Billie, Amy Whinehouse, au caractère bien trempé, brillante elle écrira essentiellement des chansons d'amour, et se brulera les aîles avec ses consommations de drogue.
Billie Holiday nous fascine par le melange de force et de fragilité qui coexistent en elle, par son destin qui fait d'elle une héroïne: Causette menant seule son destin sans la précieuse aide de Jean Valjean.
Elle n est pas bien née, son enfance est des plus difficiles et pourtant elle se place au dessus des classes sociales au dessus de toute ségrégation et des conventions qui etriquent les femmes de l époque par la manière dont elle vit sa vie de femme.
Autodidacte jeune fille noire, sans sous, elle se hisse parmi les etoiles du Jazz elle qui n a jamais pris un cours de Solfège et qui refusera toujours d'en prendre.
Peu engagée politiquement, contrairement a Nina Simone, qui travaille avec acharnement, elle apprit le solfège, la musique et le chant, Billie Holiday vit sa vie en toute liberte, ne travaillant que par plaisir puis au fil du temps pour user de ses drogues.
Ses fragilités de femme amoureuse la rende terriblement humaine, attachante.
C est une guerrière et une femme portant en elle des plaies ouvertes, mais elle est avant tout une femme forte en recherche de sensations fortes, une héroïne courageuse qui défie l'adversité, une femme émancipée.
Émancipation et drogues illicites dans les années 30
L entrée dans les "drogues" chez les femmes se fait souvent avec un homme et peut être envisagée comme une forme d émancipation par la drogue, une volonté de gommer les inégalités hommes femmes, une revendication d un statut égal d'un plaisir masculin ou une volonté d être un dans cet amour passion ..de fusion "à la vie à la mort.
Lorsque dans un couple un homme souffre d alcoolisme les femmes restent dans la grande majorité des cas; a l inverse si c'est la femme qui souffre d'alcoolisme la séparation est presque inévitable.
Mais revenons sur l'aspect émancipation de la prise de drogue chez la femme au début du 20eme siècle.
Plusieurs auteurs se sont penchés sur cette problématique.
"L'usage de drogues fait partie de la panoplie des accessoires qu'utilise la femme pour revendiquer le droit au plaisir à l'émancipation"* Olivier Thomas, Toxicomanie féminine"
Anne Coppel écrit: "A deux reprises au cours de l’histoire, les femmes ont été" associées aux drogues: entre dépendance et autonomie, ces consommations ont accompagné un changement de rôle. A la fin du XIXe, « les morphinées », figures de la Femme Fatale, incarnent la puissance maléfique des femmes ; c’est là une figure traditionnelle mais elle participe de la conquête d’une individualité que leur refuse la division sexuelle des rôles. Dans les annéess 1920, la garçonne, figure de la Femme émancipée, revendique les mêmes plaisirs que les hommes ; elle aime l’aventure, la vitesse et la cocaïne."
En 1922 est publié "La garçonne", de Victor Margueritte. L'histoire d'une jeune femme de la bourgeoisie indépendante menant une vie sexuelle très libre avec des partenaires aussi bien masculins que féminins. Revendiquant le droit au plaisir, consommant opium et alcool elle se sort de l'addiction grâce à l'amour d'un homme (passion amoureuse).
Comme son modèle, Bessie Smith, alcoolique et fumant du cannabis, Billie pourrait jouer ce rôle de la "garçonne", jouant des poings dans les centres de redressement et dans la rue, chanteuse femme dans des groupes de musiciens masculins, adoptant des comportements masculins, Billie est une femme libre qui n'a que faire des conventions à une époque ou celles ci sont très marquées.
Comme cette garçonne l amour est envisage par Billie comme redempteur. La plupart des chansons écrites par Billie Holiday parlent de sa vie, de ses amours surtout.
L'amour est placé au dessus de tout, la quête de Billie c'est d'être aimée. Dans une de ses chansons adressée à un de ses amoureux elle ecrit qu'elle aimerait être a côté de son homme, lui faire des petits plats et des enfants... à l'opposé de son train de vie, une belle déclaration d'amour donc.
Dans "lady sings the blues", elle chante, "elle se sent si triste, mais elle ne mourra pas, parcequ'elle l'aime".
La pulsion de vie chez Billie c'est l'objet de la passion, c'est l'amour, l'amour passionnel qui doit la délivrer de son passé et l'aider à supporter le présent. Remède et Poison la passion est un pharmakon comme un autre...
Dans la passion, ce que tendent à montrer les philosophes grecs, l'objet devient plus important que le sujet, la personne s'efface, se soumet, se sacrifie. La passion pour les stoiciens et Platon est à éviter, trop de passion tue la raison. La passion mène à l'erreur, à la subjectivité, au desespoir. La passion est un oxymore de la liberté.
On retrouve des écrits sur la passion et l'addiction. L'addiction est ainsi comparée à une passion néfaste, destructrice.
Olivier Thomas écrit, dans Toxicomanie féminine*: "De Neuter écrit que la passion, le lien amoureux, pourrait avoir dans l'économie psychique de certaines passionnées une fonction de protection contre une "destructuration psychiquement ou physiquement mortelle quand bien même celle-ci peut être source de grandes craintes, angoisses et souffrances...(..)..cette fonction de suppléance nous introduit à une dimension spécifique de la toxicomanie féminine: elle concerne les femmes qui souffrent d'un défaut de reconnaissance radicale et d'un défaut de travail de deuil. Ces défauts vont se compenser par la création d'une fiction d'enfant et l'élévation de l'objet de la passion à la cause de tout".
Cet extrait d'olivier thomas est assez evocateur des problematiques diverses qui animent Billie. Il est à noter qu'une des chansons de Billie Holiday, "Lady sings the Blues", est un récit romancé de son enfance. Une fiction en somme, une réécriture de sa petite enfance.
La passion sous forme de l'addiction est considérée par nombres d'auteurs psychanalytiques comme une réponse à la depression. Et les séparations précoces en sont un facteur de causalité.
Derrière les passions amoureuses de Billie aussi libre qu'elles paraissent, apparaît un manque...
On peut se poser s'interroger, au regard de ses passions amoureuses, sur ce choix presque masochiste chez Billie, choix qui se répète.
La répétition du même type d'hommes chez Billie, tous violents est, au sens psychanalytique, lié à la répétition d'un traumatisme.
"La répétition est, comme le savent les psychanalystes, intimement liée au vécu d'une situation traumatisante: les névroses traumatiques sont le fait, pour une personne qui a vécu une expérience horrible, de la revivre en pensée, en rêve ou plutôt en cauchemars, de revoir se dérouler, même en état de veille, l'évènement qu'elle voudrait oublier, nier, ne pas avoir vécu. Tout se passe comme si répéter le traumatisme, sous une forme symbolisée ou atténuée, était le seul moyen de tenter de le digérer, de l'intégrer dans son psychisme, de finir par le transformer en souvenir. Un évènement "traumatique" peut être dit inébranlable, c'est à dire que le psychisme ne peut lui assigner une place de souvenirs, et que l'oubli ou le refoulement ne sont tout simplement pas possible".
Il n'y a pas de hasard dans les amours de Billie Holiday, ce ne sont que des reproductions d'une situation infantile, du déjà vécu, terrain connu. On peut se poser la question de l'enfance de ses compagnons. La plupart des hommes violents ont-ils eux aussi connu une enfance violente?.
L'histoire transgénérationnelle a pu être ici un facteur aggravant de depression, en plus de sa propre vie, de ses propres traumatismes.
Selon Joyce Mac Dougall, l’addiction s’explique "certes par une recherche consciente du plaisir, mais aussi par la recherche d’analgésie de souffrances et de conflits remontant souvent à l’enfance, cette temporalité renforçant l’emprise de l’addiction. L’économie psychique addictive permet alors au sujet de réduire les tensions psychiques liées à des affects désagréables ou même agréables. D’après de nombreux travaux sur la personnalité des sujets addictés, on retrouve certains points communs : – des sujets atteints d’une certaine dépressivité, avec carences identificatoires et recours à l’agir notamment par les comportements addictifs ; – d’une façon courante aussi, des patients qui ont été affectés par des traumas plus ou moins précoces, équivalents de ruptures ou de séparations engendrant des sentiments d’abandon, de perte".
Les traumas personnels, l'abandon
Des études sur l’attachement (Main et al., 1985) montrent que les mères ayant eu une enfance traumatique ont généralement des enfants qui ont un attachement « insécure » à leur mère. Les mémoires de l'abandon se transmettent ainsi sur les nouveaux nés de la génération suivante.
Or nous savons aujourd'hui que tous les traumatismes physiques ou emotionnels subis dans l enfance ont de graves répercussions sur la santé physique et mentale.
Une Étude américaine nommée ACE (Adverse Childwood Expérience Ou expériences négatives de l enfance) a évalué les traumatismes physiques ou émotionnels des différents patients et de leurs conséquences sur leur santé. Cette etude révéla par exemple que les patients qui affichaient un ACE de 7, mais qui ne buvaient pas, ne fumaient pas et n étaient pas en surpoids, présentaient néanmoins des risques de maladies coronariennes, ces dernières consitituant la première cause de mortalité aux USA.
Et l on constate que La grande majorité des grands addicts ont eu dans leur enfance à souffrir d abandon, de maltraitance et abus sexuels.
Le film "Sleepers" de Barry Levinson, 1996, avec Robert de Niro, Brad Pitt, Kevin Bacon, Dustin Hoffman entre autres, tiré d'un roman de Lorenzo Carcaterra écrit en 1995 et basé sur des souvenirs de jeunesse de l'auteur, évoque les répercussions des traumatismes de l'enfance à l'âge adulte. Quatre enfants sont envoyés en maison de redressement où ils vont subir abus sexuels et maltraitances. Deux d'entre eux s'en sortiront contrairement aux deux autres. Ce sont les plus maltraités, les plus massacrés qui termineront junkies et délinquants.
L'histoire de Billie correspond à une histoire personnelle et familiale douloureuse, voir tragique: Femmes victimes d'abus sexuels et de maltraitances sur plusieurs générations.
Y a t-il eu minimisation de la part de la grand mère paternelle en raison du caractère presque commum de ces actes à cette époque sur les esclaves? Minimiser, comme banaliser c'est faire perdurer l'acte.
La minimisation permet l'intégration sans opposition. Et c'est ainsi un facteur de répetition.
Matteo Selvini (1995) montre combien la minimisation de la souffrance, si elle est, pour la génération qui l’a vécue, une manière de survivre, devient un piège pour la génération suivante. Selon lui, cette minimisation de la souffrance dans l’histoire des parents constitue un des principaux facteurs de risque (et non pas un facteur causal) dans le déclenchement, à la génération suivante, de pathologies psychiatriques graves.
L'alcool et les opiacés sont des médicaments de l'âme. On retrouve souvent derrière de tels consommations des états depressifs qui se renforcent avec le produit mais qui préexistaient avant les premières consommation.
Avec une telle histoire familiale, une enfance faite de séparations et de maltraitances, de deuils et d abandon..on a de nombreuses causes d un état dépressif. La rage de vivre qui anime Billie Et qui l a hissée au sommet malgré son histoire personnelle a pu au fil des années faiblir au gré des réminiscences des histoires familiales et traumatismes divers portés par Billie Et par les femmes de l arbre généalogique de Billie.
Et on peut comprendre que pour cette femme les deux deuils de personnes "soutient", de "béquilles", sa mère et son frère de coeur, puissent s'avérer fatales alors qu' elle est fragilisée par les drogues et l alcool.
Les deuils chez les personnes addict sont des moments douloureux et délicats qui justifient de la part des personnels soignants une attention toute particulière. Ils viennent renforcer l'impression de vide et de solitude et ..le manque bien connu des heroinomanes.
L histoire de Billie Holiday peut se voir ainsi : l histoire d une héroïne des années 30, une femme forte se jouant de l adversité, la défiant même!, libre, ivre de passion et de rêves, détestant les séparations au point d accepter l'inacceptable rattrapée par ses failles, achevée par deux décès qu'elle ne pourra encaisser et enfoncée par la folie des lois prohibitives qui lui ont refusé l accès au rôle de malade. Elle qui se définissait pourtant ainsi quand on l interrogeait sur sa toxicomanie..
Et cette addiction non traitée fut un phénomène aggravant.
Ce rôle de malade de l'addition est reconnu désormais. L avancée des neurosciences et les études sur le cerveau ont permis de mettre en lumière le fonctionnement du cerveau.
Si l'héroïne, et plus largement les opiacés, fut considéré par Bernard Roques comme peu neuro-toxique, il n'en demeure pas moins qu'elle a une action directe sur le cerveau et crée donc un déséquilibre.
En agissant principalement sur les endorphines et la dopamine, les opiacés dereglent l'équilibre du cerveau.
William Burroughs "le festin nu", Drieu de la Rochelle "le feu follet, Jean Cocteau "journal de désintoxication" et bien d'autres ont évoqué la dépression qui suit une consommation d'opiaces. Dépression qui peut s'avérer fort longue et que l'on explique aujourd'hui par des systèmes endommagés dans le cerveau. On estime que cette dépression post opiacés peut durer jusqu'à deux ans. Une étude chinoise tend à démontrer que ce déséquilibre peut être à vie.
C est donc l'intérêt des traitements de substitution aux opiacés (methadone, buprenorphine, héroïne médicalisée..diamorohine de son petit nom) de pallier à ces conséquences.
Les traitements de substitution, dont elle bénéficiera un temps, juste avant de mourir, ont cet intérêt en plus de soigner l'addiction, de colmater la douleur et d agir tels des anti-dépresseurs.
Les mécanismes neuologiques de l'addiction
Voici une bande dessinée utile pour comprendre les mécanismes neurologiques de l'addiction, et c'est ludique (voici le lien) Je bois donc je suis: les mécanismes neurologiques des addictions
Les dernières découvertes en matière d'addictologie nous viennent des neurosciences, elles tendent à expliquer scientifiquement ce que la littérature à décrit, le déséquilibre chimique induit par la repetition de la prise de Produits psychoactif.
Cette histoire écrite sous la forme d'une bande dessinée parle de l'addiction d'une femme à l'alcool et aux drogues et au travail.
On peine encore à reconnaître cette "compulsion" dans le travail comme une addiction, elle n'est d'ailleurs pas répertoriée comme telle dans les manuels de référence psychiatriques (DSM V pour les USA).
Néanmoins aux Etats-Unis il existe des groupes de parole pour les "workaholic" , entendez les "accro du boulot", "l'addiction au travail'.
"Workaholism" (addiction au travail) est un néologisme inventé par le professeur Oates, "Confession of a Workaholic" (1971), composé de "Work" et "holism", comme alcoholism, pour décrire la dépendance au travail qui lui évoque la dépendance à l 'alcool.
Qu'est-ce que l'addiction au travail, comment la reconnaître?
Il s'agit d'un surinvestissement de la sphère professionnelle au dépend du "privé" ( loisirs, famille.. ).
ce que décrit tres justement la petite BD citée plus haut.
De même que l'alcool ou les drogues il s'agit d'un évitement de la vie, au sens philosophique, l'amour, la famille, les amitiés, les centres d'intérêts sont délaissés.
Les explications sont multifactorielles: la société qui tend à promouvoir une image positive de la réussite sociale qui prévaut sur le Domaine familial, social, les exigences Et le management parfois agressif des entreprises (affaire "orange")..
Et ce phénomène est pris en compte très sérieusement aux USA car il participe à l'augmentation des "Burn out", des dépressions et autres addictions, au développement de certaines maladies liées au stress et a d'importantes répercussions sur la vie familiale, responsable de nombreux divorces, entre autre.
Les sédatifs, histoire des opiacés
- Les Opiacés
Les premiers écrits, qui évoquent l'utilisation d'opiacés, datent de l’époque des sumériens, il y a près de 3000 ans avant Jésus Christ. Au XVIème siècle avant JC à l’époque du pharaon Aménophis 1er, l’Opium est cité comme forme de remède. Sous Ramsès III, il est fait référence à des concoctions à base d’opium pour les enfants qui « crient trop fort »1.
Dans les récits de la mythologie Grecque et Romaine, Morphée secoue ses pavots et les humains s'endorment ; Démeter, Déesse des blés et des Moissons, ayant perdu sa fille Perséphone enlevée par Hadès, s’adonne à l’Opium pour oublier sa souffrance. Elle est représentée à Rome tenant des fleurs de Pavot à la main. Les Grecs de l’Antiquité représentaient sur des camées la déesse de la nuit, Nyx, distribuant des capsules de pavot.
Dans l’Iliade et l'Odyssée, Hélène, à l'occasion d'un banquet, verse dans les coupes de Menelas son mari, le Népenthès « un breuvage donnant l’oubli de la douleur et du malheur et aussitôt les rires reviennent aux lèvres » , elle l'utilise à d'autre occasion pour endormir la vigilance de ses hôtes. Le Nepenthès, plante magique de L'Odyssée
Le Népenthès vient du grec νηπενθής, ές (nêpenthès), littéralement qui dissipe le chagrin, la douleur physique. Formé de νη- préfixe négatif.+ πένθος, deuil, douleur, affliction . Chez Homère c’était un breuvage magique à base de plante Népenthès qui, mélangée au vin, chassait le souci et la mélancolie.
Homère écrit aussi dans « l’Odyssée », au VIIIe s. av. J.C., que l’opium était absorbé par les guerriers pour ne pas craindre le danger.
A propos du Népenthès voici quelques vers de Charles Baudelaire , dans le Léthé :
Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents;
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
Dans l'épaisseur de ta crinière lourde;
(...)
Je sucerai, pour noyer ma rancœur,
Le népenthès et la bonne ciguë
Aux bouts charmants de cette gorge aiguë
Qui n'a jamais emprisonné de cœur.
Les "épidémies"
C'est au Moyen Age que l'épidémie se propage par les arabes islamisés et les Perses et sous le règne des Moghols (1527 à 1707) empereurs musulmans des Indes du seizième au dix-huitième siècle, la culture du pavot et le commerce de l’opium devinrent monopole d’état. L’opiophagie se développe, puis l’habitude de le fumer, importée de Java ou de Formose. Au Moyen Orient et dans les pays du Maghreb l'opium fait partie de la pharmacopée, Avicenne, célèbre médecin et philosophe arabe meurt en 1037 en Perse intoxiqué par l'opium dont il fait un usage régulier. L'opium aurait été introduit en Perse dès le VI ème siècle.
L'opiophagie se développe dans les pays arabes, y compris en Turquie, à tel point que Barbosa, un compagnon de Magellan, écrit "L'opium que la plupart des Maures et les indiens mangent"
L'épidémie Chinoise
La plus grande "épidémie" d'Opiacés est en Chine, les premières lois prohibitives suivront. L'opium était déjà connu des chinois depuis le Xème siècle. En 1068, un poète, Su-Che, écrit: "Buvant une décoction de pavot, je ris, je suis content". L'opium est alors ingéré.
C'est au XVII ème siècle que les marins introduisent du tabac imprégné avec de l'opium. Les chinois vont transformer cette pratique, les fumeries d'Opium sont nées.
Au XIXème siècle, l'Angleterre fait commerce d'Opium, et sa marchandise passe de l'Inde, où l'opium est produit, par les ports chinois de Hong Kong entre autre. L'opium ne reste pas sur les bateaux et quelques marchands en font commerce auprès de la population locale. L'usage prend de l'ampleur et avec elle les conséquences de la dépendance à l'opium (prostitution, vol ..) L'Empereur Chinois ne tarde pas a édicter des lois prohibitives avec le développement des usages, de l'interdiction du commerce allant à la peine de mort pour usage.
Deux guerres suivront, la Chine perd les deux combats et doit accepter la présence d'étrangers "barbares" sur son sol, le commerce d'Opium, verser des indemnités et donner deux de ses plus grand ports à l'ennemi Anglais (dont Hong Kong). En outre la Chine devient producteur d'Opium.
Le nombre de chinois "intoxiqués" qui était de 2 millions en 1850 passe à 120 millions en 1878, soit 20% de la population.
Les "épidémies européennes"
En Europe les croisés rapportent l'Opium dès le XIIIème siècle. Elle est utilisée dans la pharmacopée en parallèle de la thériade. "Les premières toxicomanies d’Occident, à l’âge classique, sont toujours médicales, souvent euphoriques, et presque innocentes. Les engouements pour l’opium résultent d’une double quête : alléger les souffrances du corps et remédier aux maux sociaux. Aristocrates et bourgeois s’administrent en potion, en lavement, en injection ou en cataplasme les mirifiques préparations opiacées. Les traités de médecine énumèrent leurs miracles : elles donnent joie et santé, force et plaisir. Pour la minorité qui y recourt, ces remèdes sont d’authentiques panacées, le baume quotidien contre toute souffrance et toute peine. L’opium calme l’ulcère déchirant l’estomac du cardinal de Richelieu, apaise les maux de Louis XIV, de Pierre de Russie ou de Frédéric de Prusse; et toutes les souffrances des hommes illustres, des aristocrates valétudinaires, des artistes tourmentés et des bourgeois égrotants" écrit Anne Coppel dans le "Dragon Domestique"
"On trouve de tout dans ces fabrications mystérieuses, y compris des substances de mort. Une de ces médications douteuses précipite la fin de Voltaire. Ce perpétuel mourant de quatre-vingt-quatre ans avait essayé toutes les drogues, toutes les recettes de bonne femme. Sans piper mot, il avait avalé la grenaille de fer que proposait un médicastre a la mode. C’est ainsi, disait l’empoisonneur, qu’on rince les bouteilles sales. Voltaire en avait réchappé par miracle… En mai 1778, l’histoire se termine mal, cette fois. Le 13, il est pris de terribles douleurs aux reins et a la vessie. Un familier lui recommande un philtre à base d’opium, souverain contre les souffrances. D’autres l’invitent à la prudence : le remède est dangereux ; lui, malade, âgé et si fragile, ne le supportera pas. Voltaire s’entête sur l’opium. On lui en fait avaler une fiole entière ; il se sent «parcouru d’une traînée de feu de la gorge aux entrailles ». Pendant deux jours, il est «comme un forcené » et baptise l’ami d’enfance qui lui a donné la potion «frère Caïn ». Affaibli au dernier point, il ne peut plus ni boire ni manger : « L’excès d’opium avait provoqué une paralysie de son estomac », dit Jean Orieux. Le 28 mai, il était mort." Le dragon domestique, op cité
Si les remèdes douteux s'étendent, il y en a un qui va se développer et perdurer jusqu'au XXème siècle. Le génial Paracelse, au XVI ème siècle, invente le laudanum (celui qu'on loue), certains diront que lui même aime à utiliser son laudanum. C'est un médecin, chirurgien, alchimiste, théologien qui aime connaitre les usages "atypique" de la médecine à travers le monde. "L'impossible vagabond" s'intéresse à tous les usages de la médecine, y compris au savoir des "sorcières". Il parcours le monde avide de connaissances. Il récuse la magie, mais loue la plante. Cet opium, dont les Turcs tirent leur "force proverbiale", il s'y intéresse particulièrement et confectionne une potion qui guérit bien des affections. on lui doit cette phrase "tout est une question de dosage".
Le Laudanum
Thomas de Syndenham développe l'utilisation du Laudanum de Parracelse en Angleterre, très prisé par lui même. Au début du XIXème siècle les pharmaciens en vendent , il est utilisé par les ouvriers pour supporter leur conditions de vies difficiles. C'est la période d'industrialisation, les ouvriers travaillent 10 heures par jour, 7 jours sur 7 , on a construit des bidonvilles à la hâte pour accueillir ces nouvelles forces de travail qui viennent des campagnes. Le laudanum est utilisé dans de nombreux cas pathologiques « pour soulager la douleur… pour amener le sommeil… pour apaiser des irritations… pour contrôler des sécrétions excessives… pour soutenir le système (immunitaire)… et comme un sudorifique ». Parce que la pharmacopée de l'époque était limitée, les médicaments dérivés de l'opium comptaient parmi les plus efficaces ; ainsi le laudanum fut largement prescrit pour des maladies allant du simple rhume à la méningite, en passant par les maladies cardiaques, tant chez l'adulte que l'enfant (accroissant au passage la mortalité infantile).
Peu a peu, les dangers de ces breuvages sont identifiés, la dose mortelle connue, sinon les dangers de l’accoutumance. Dans l’Angleterre du XVIIe, les bien-pensants vilipendent bientôt ces consommateurs sensuels qui ont perdu toute retenue. Comme l’auteur de comédies Thomas Shadwell, qui débute par vingt gouttes de laudanum chaque jour, passe bientôt a quatre cents et finit a huit cent cinquante, soit vingt grammes environ. Il en meurt, pieusement d’ailleurs, rendant grâces a Dieu sur son lit de mort, comme chaque fois qu’il ingérait ce merveilleux don du ciel, son très cher laudanum. Comme, plus tard, Sir Robert Clive, le conquérant du Bengale, qui permit l’épanouissement de la Compagnie des Indes et qui fut l’un des fondateurs de l’Empire britannique. Au faîte de sa gloire, pour soulager ses douleurs de poitrine et ses maux de tête, il absorbe chaque jour du laudanum ; il commence par huit grammes, augmente sans cesse la quantité. Une rumeur s’enfle : le héros est désormais incapable de travailler. Il abandonne sa charge en 1772. Revenu en Angleterre, lui, jadis si populaire, se voit traîné dans la boue par les gazettes. Sa consommation redouble. Elle atteint les trente grammes quotidiens, soit le double de la dose mortelle pour les néophytes". (Anne Coppel Le Dragon domestique)
Le Laudanum et les écrivains
1er journal de "décroche": Thomas de Quincey:" Les confessions d'un mangeur d'opium" 1804
C'est pour traiter ses névralgies que Thomas de Quincey expérimente le Laudanum. Dans son journal, il note précisément les diverses phases d'intoxication, de "la lune de miel" à "la lune de fiel", la tyrannie de la dépendance, la difficulté du sevrage, la connotation mystique et la fascination pour les paradis artificiels.
Cette fascination pour les opiacés on la retrouve chez les artistes et les écrivains romantiques, Baudelaire, Edgar Poe, Antonin Artaud, Théophile Gautier, Mary Shelley, Samuel Taylor Coleridge, Walter Scott, Apollinaire, Henri Bataille, Picasso, Goethe, tous en commun un gout prononcé pour les breuvages à base d'opiacés (Laudanum)
Dans son ouvrage "Victor Frankenstein" Mary Shelley cite le Laudanum, Victor Frankenstein l'emploie pour s'endormir après la mort de son ami. Patrick O'Brian, « Les aventures de Jack Aubrey », le docteur Stephen Maturin l'utilise autant pour soigner ses patients que pour son usage personnel afin de calmer son état dépressif. Anna Karénine de Léon Tolstoï, Anna en utilise pour pouvoir dormir, après que son mari lui a refusé de voir son fils. Le laudanum est un remède aux âmes torturées des écrivains, il soulage leur peine, calme leur tristesse. L'image "romantique" de l'artiste désespéré sera longtemps associé à la prise de produits et notamment d'opiacés.
La morphine
La morphine fut découverte simultanément en 1804 par Armand Seguin et Bernard Courtois, ainsi que par Jean-François Derosne mais c'est à un jeune pharmacien allemand, F.W Setürner, que revient le mérite d’avoir vu que la substance cristallisée isolée était un alcaloïde, un « alcali végétal ». C'est le premier alcaloïde connu et Sertürner le nomme aussitôt « morphium » car ses effets rappellent le dieu des songes de la Grèce antique, Morphée. Une petite pharmacie allemande, commerce familial, développe et fabrique la Morphine en 1827. Heinrich Emanuel Merck, développe en quelques années la petite pharmacie de ses aïeux en confectionnant cet opiacé.
En 1850, Charles Pravaz, médecin Lyonnais, invente la seringue hypodermique.
La morphine en injection est utilisée sur les champs de bataille pour pratiquer les amputations, soigner les blessés et donner du courage aux combattants. Les premiers cas de morphinomanie apparaissent parmi les soldats mais aussi les pharmaciens, médecins et infirmières.
On l'utilise aussi pour tout un tas d'affections mentales (dépression, anxiété, hystérie..)
Fin XIX ème siècle, dans les grandes villes d'Europe, Berlin, Paris, Londres, une nouvelle catégorie de la population s'éprend de cette drogue, les femmes ! et ce sont elles qui retiennent l'attention. Les "semi mondaines" , comme on les appelle, femmes de médecins, banquiers, intellectuels, ont recours à cette drogue. Figure de femmes fatales, libres et intelligentes, elles ont de l'esprit et parcourent les salons intellectuels et culturels, la seringue cachée dans un coin de leurs affaires.
Les premières feministes
Anne Coppel écrit, toujours dans le dragon domestique " les morphinées qui hantent les salons et les romans de la fin du siècle sont des femmes modernes, qui signent leur modernité en revendiquant leurs vices : la créature lascive qui se livre à la drogue est souvent adultère, plus souvent encore lesbienne. Les femmes, « qui réclament avec exaltation leurs droits », viennent d’en obtenir un nouveau, ironise Jules Claretie, « le droit à la morphine ». L’époque est revendicatrice, il est vrai. Les unes se retranchent derrière la morale et revendiquent, en employant au besoin la force, le droit de vote. D’autres, comme Jane Addams Chicago, ou Bertha Pappenheim — l’Anna 0… de Freud, un temps morphinomane elle aussi — inventent l’action sociale. D’autres encore, comme Rosa Mayreder Vienne œuvrent à une nouvelle alliance harmonieuse entre les sexes. Certaines, plus traditionnelles sinon plus sages, aiguisent et détournent leurs armes féminines : la séduction, la rouerie, la traîtrise. Ce sont elles, le sourire exténué, les yeux agrandis, ahuris de morphine, qui en deviendront possédées. En France, elles hantent les salons, se retrouvent chez Liane de Pougy et ses saphiques amies, ou chez la Belle Otero ; elles parcourent les Boulevards, le Bois, tous les lieux où l’on rit, où l’on s’amuse et où l’on se perd. Victimes perverses ou fragiles démones, si pâles, si belles et si tôt fanées, ces femmes fatales, de Mata-Hari à Loulou, seront les premières a courir l'Europe et noueront un lien de mort entre un mouvement de révolte et la prise du produit".
Les drogues auparavant étaient réservées aux hommes. Les "morphinées" seront les premières à revendiquer des plaisirs autrefois aux hommes réservés. Le phénomène choque.
De la morphine à l'héroïne:
L'héroïne est inventée en 1874 par C.R Wright, en Angleterre. Expérimentée par une firme allemande en 1898, elle est indiquée dans le cadre de maladies pulmonaires, dont la terrible tuberculose. On y trouve ensuite un substitut à la morphine pour soigner les morphinomanes. Un journal médical souligne "La morphine remplacée par l'héroïne, plus de toxicomanes".
En Egypte, en Chine et aux USA l'héroïne fait des ravages. On estime qu'à New York, vers 1914, 98% des usagers de drogue sont héroïnomanes.
Aux Etats Unis, l'Héroïne se répand parmi les musiciens de Jazz. Billy Holiday est incarcérée et interdite de jouer dans certains états en raison de sa toxicomanie notoire. Elle porte vers la fin de sa vie des gants pour cacher les traces de piqûres sur ses mains. L'héroïne est un bouclier, une barrière entre soi et les émotions on peut penser qu'à cette période de ségrégation les Jazzmen, noirs pour la plupart, pouvaient voir en cette drogue une solide barrière aux émotions. La consommation d'héroïne se développe comme une traînée de poudre parmi les afro-américain. En quelques décennies des quartiers entiers sont ravagés par l'héroine, père et fils se piquent et laissent des femmes et des enfants condamnés par avance à la pauvreté.
La France, elle, est au début du XXème siècle épargnée, bien qu'elle fasse partie des pays producteurs d'Héroïne mais n'est pas touchée par la propagation de cette nouvelle drogue de synthétisée à partir de la morphine. La Morphine est utilisée en France jusqu'aux années 70 dans les milieux intellectuels, artistiques, médicaux (surtout). Un journal littéraire en 1938 écrit "La morphine cet alcool des riches".
Ce sont les hippies qui vont contribuer à la sortir des salons bourgeois. Amateurs de voyages la plupart la découvre en Inde. Ils reviennent de leur voyage avec une addiction prononcée pour cette drogue. Ce sont des jeunes gens cultivés, curieux, jeunes de bonnes familles pour la plupart en recherche d'autres modèles d'éducation.
En 1970, suite au décès d'une jeune femme (on murmure qu'elle est fille de préfet) par overdose d'Héroïne dans les toilettes d'une boite de nuit, le gouvernement décide de légiférer. La loi de 1970 est votée, toujours en vigueur actuellement, qui punit sévèrement la consommation, le commerce, la présentation sous un jour favorable des drogues déclarées illicites. Cette loi intervient un an après la déclaration de "guerre à la drogue" du président Nixon.
Dans les années 80 la consommation contre toute attente non seulement ne régresse pas mais au contraire s'amplifie. Les quartiers des banlieues défavorisées sont touchées, la délinquance augmente ainsi que la mortalité d'une catégorie de la jeunesse française. La première crise pétrolière a laissé des traces sur un modèle économique chargé d'espoir. Ce sont les années punk, "no futur", hausse du chômage et contestation à l'égard des politiques économiques des gouvernements. A l'inverse de la morphine, l'héroïne touche maintenant une population désespérée, en manque de repères, jeunes de l'immigration ou jeunes des classes prolétaires dont le futur semble peu porteur d'espoir. L'épidémie du sida se propage. la politique pénale reste inflexible mais des politiques sociales et de santé publique commencent, à l'initiative d'usagers de drogues regroupés en association, à se mettre en place. La réduction des risques se met en place dans ce climat sanitaire tragique.
Méthadone et Subutex: traitement de substitution à l'héroine.
Dans les années 1995, sous l'influence des politiques sociales étrangères, Simone Weill met à la disposition des usagers d'héroïne français des médicaments de substitutions. L'épidémie de sida 20 ans plus tard est arrêté chez les usagers de drogue mais d'autres problèmes persistent. Bien que ces traitements aient largement contribué à l'amélioration des conditions de vie des usagers (travail, famille, sortie de la délinquance, de la prostitution) certains pays utilisent de l'héroïne médicalisée, pourquoi pas la France?
Bibliographie Stupéfiante
"Junkie" "le festin nu" William Burroughs, "Confession d'un mangeur d'Opium" Thomas de Quincey "Les paradis artificiels" Baudelaire, "Les tribulations d'un Opïomane" James S Lee, "Le feu Follet" Pierre Drieu de la Rochelle, "Opium" Jean Cocteau "Notre Dame du Vide" "Du bleu dans les veines" Tony O Neill, "Dope" "Scène ouverte" Marco Schneider, "Moi, Christiane F, droguée prostituée" "Les peaux transparentes" marc Dufaud "Impairs et Manque" Jean-Marie Gingembre, "Moins que Zéro" Bret Easton Ellis, "Flash" Charles Duchossois "Shantaram" Gregory David Roberts, "Trente ans avec sursis" François Debré, "J'ai commencé par un joint" Helène
Dans le film Un cœur simple, de Marion Laine, en 2007, l'addiction au laudanum de Mme Aubain, la maîtresse de maison, est révélée par sa tentative maladroite d'obtenir de son médecin une nouvelle prescription sous le prétexte d'avoir cassé sa bouteille.
"Je t'aime et je crains de m'égarer je sème des grains de pavots sur les pavés"
Les Excitants: les Amphétamines
Les Amphétamines
Les amphétamines (speed, ice ou cristal) sont des stimulants qui se présentent sous forme de comprimés ou de poudre. Elles ont été synthétisées fin XIXème siècle.
Très souvent mélangées avec d’autres produits (l'alcool entre autre), elles peuvent être administrées par voie orale, injectées, ingérées ou même fumées. Les amphétamines sont un groupe de molécules apparentées à l'amphétamine de structure phényléthylamine. On peut distinguer trois grands types de dérivés amphétaminiques selon leur effet principal, psychostimulant (speed, ice, cathinones), hallucinogène (mescaline) ou anorexigène.
Le Speed
L’ancêtre commun de toutes les amphétamines est l’alcaloï du ma-huang, une plante utilisée depuis plusieurs millénaires en Chine. En 1895, le chimiste Nagajasi Nagaï en extrait l’éphédrine, au vertus stimulantes.
En 1895, on en extrait l'éphédrine qui sert de support pour la synthèse de la benzédrine, la première d'une longue série d'amphétamines.
En 1914, un chimiste allemand s'intéresse à cette molécule et l'utilisa durant la guerre comme sérum de vérité.
En vente libre dès 1930, les amphétamines connaissent un succès fulgurant. Leur pouvoir stimulant est utilisé pour combattre la fatigue, stimuler l’activité intellectuelle. Les médecins prescrivent ces substances comme produit de substitution de la cocaïne, en raison d’effets voisins, mais aussi en traitement de l’asthme, de la narcolepsie, de l’obésité et autres indications.
Elle fut largement utilisée pendant la deuxième guerre mondiale pour améliorer les performances et surtout l'endurance des soldats allemands: La pervitine pillule des soldats allemands et c'est alors que les premiers excès sont constatés, avec des effets d'accoutumance (les amphétamines, avec l'alcool et les opiacés, entraînent une dépendance physique). Il semblerait qu'elles soient toujours utilisées par les militaires, notamment pendant la guerre du Golf, du Kosovo... Une autre amphétamine, le Captagon, est utilisée aujourd'hui par les combattants de Daesh. Le captagon l'amphétamine de Daesh
Si elles sont utilisées et testées sur les militaires, en tant de guerre, elles sont aussi prisées par les étudiants (notamment médecine, commerce..) par les sportifs, pour leurs actions de performance et par les mannequins pour couper l’appétit. Elles peuvent être prescrites comme traitement aux personnes souffrant du trouble de l'attention et de l'hyper activité (TDAH) la Ritaline traitement du TDAH.
La consommation de "speed" est assez stable en France et peu préoccupante comparée à la situation des USA (méthamphétamine) et de la Thaïlande (Yabba) où ce type d'Amphétamine fait un ravage dans la population, toutes catégories socio-professionnelle confondues.
En France on la retrouve dans le milieu Punk, Métal, ou Rock and Roll en général, du fait de son prix attractif. La coke est la drogue du riche le speed la drogue du pauvre."Lemmy", le leader du groupe Motorhead, décédé en 2016, était la figure emblématique de ce type de consommateurs. Johnny Rotten, le chanteur des "sex Pistols" et de "Pil" a lui aussi consommé des amphétamines Johnny Rotten et les Amphet
Elle est souvent associée à d'autres drogues, notamment l'alcool, et s'intègre à un cadre festif: concerts et soirées.
L'Ice, ou Méthamphétamine, est peu connue en France, quelques témoignages rapportent qu'elle pourrait être vendue à la place du Crack et on en trouve dans le milieu de la restauration en raison de ses effets stimulants. La Méthamphétamine se fume comme le crack dans des pipes.
Burroughs Jr, fils de William, mort à 35 ans d'une cirrhose, a consommé en excès amphétamines et alcool. Il décrit son expérience dans son livre autobiographique "Speed".
Au cinéma elle est aussi largement représentée, dans le film Spun, de Jonas Akerlund, Mickey Rourke fabrique de l'amphétamine dans sa chambre de Motel, dans la série "Breaking Bad" les deux héros, un professeur et son étudiant, en fabrique et la vende.
Les effets; Les amphétamines ont des effets euphorisants et stimulants. Elles augmentent de façon temporaire la vigilance, limitent la sensation de fatigue et diminuent le besoin de sommeil. Elles accroissent la faculté de concentration et la capacité de travail. Elles font disparaître la sensation de faim. Elles augmentent la confiance en soi. Les Amphétamines Psycho actif
Les contre effets: les effets désirés sont rapidement suivis d’une phase d’abattement, avec irritabilité, dépression, lassitude et parfois réactions d’agressivité.
Au plan somatique, les amphétamines accélèrent le rythme cardiaque, d’où hypertension artérielle avec risque d’hémorragies (cerveau, poumon), et troubles du rythme cardiaque. De plus, elles ont une action vasoconstrictrice qui aggrave encore l’hypertension. Elles accélèrent aussi le rythme respiratoire mais dilatent par contre les bronches. La tolérance au produit tend toutefois à limiter l’incidence des effets physiques.
Des hautes doses d'amphétamines peuvent induire une psychose ou des symptômes psychotiques
La MDMA, l'amphétamine de l'amour.
La MDMA fut synthétisée pour la première fois en 1898 par Anton Köllisch en Allemagne et ensuite redécouverte en 1912 par les laboratoires Merck espérant l'utiliser comme anorexigène qui le feront breveter en 1914.
Ce dérivé de l’amphétamine pourrait avoir été distribué pendant la 1ère Guerre Mondiale aux soldats allemands. Cumulant certains effets des stimulants mais aussi ceux des hallucinogènes, la MDMA était censée atténuer la fatigue, la faim et redonner le moral aux soldats.
Dans le milieu des années 80's l'ecstasy s'immerge dans les milieux gay et lesbien puis dans le milieu festif "hétéro". La musique "techno" contribue à son développement. Des morceaux techno la nomme "ecstasy, ecsta no" Elle est alors essentiellement vendue sous la forme d'un cachet et ingérée (elle peut aussi comme toute drogue être injectée mais ce phénomène est isolé).
On peut trouver la MDMA sous forme de cristaux ; sa pureté dépend de la volonté et du savoir-faire du chimiste, la couleur des cristaux peut varier du blanc au brun en passant par le rose. Elle est également disponible sous forme de poudre ou en comprimé de couleur, de forme et de taille variables, souvent orné d'un motif. Il est courant que le nom du motif serve à nommer l'ecstasy. On la trouve aussi en gélule.
Ses effets surviennent dans l'heure qui suit l'ingestion, ils varient selon le dosage et peuvent rester quelques heures (3/6 heures).
Ils sont caractérises par une dilatation de la pupille, une chaleur soudaine, une euphorie et un sentiment de bonheur intense, une exacerbation des sens.
Ces propriétés biologiques, rares chez les substances psychédéliques, l'indiquent pour le traitement du stress post-traumatique. Cependant, son utilisation à des fins thérapeutiques fut rapidement interrompue à la suite de sa prohibition pour être ensuite reprise au début des années 2000 (étude autorisée en 2001 par la FDA) mais, aussi des protocoles expérimentaux en Suisse et en Espagne dans le traitement du stress post-traumatique et autres applications en psychiatrie. Les résultats des recherches actuelles viennent de confirmer l'utilité de la MDMA pour le traitement des stress post-traumatiques.
L'ecstasy (ou MDMA) a l'intérêt d'avoir un meilleur rapport qualité prix que la cocaïne. En 2014, en France, 4,3 % des 18-64 ans ont expérimenté la MDMA/Ecstasy, soit environ 1,6 million de personnes.
La consommation est en hausse parmi les mois de 35 ans La MDMA journal Le monde
Attention à espacer les prises. A fort dosage, comme on peut en trouver en ce moment, il est conseillé d'attendre plus d'un mois avant d'en reprendre (normalement 40 jours pour que l'effet recherché soit à nouveau ressenti). Car un phénomène de tolérance existe avec les amphétamines et l'ecstasy n'est pas anondin. Il faut aussi penser à s'hydrater. Attention à ne pas associer d'anti-depresseur (risque de syndrome serotoninergique voir à la fin du post)
Les Cathinones,
Les nouvelles drogues de synthèses, dont les cathinones font parties, touchent en priorité le milieu gay, mais son usage est entrain de se développer du fait de son prix très attractif (10/20 euros le gramme), du vide juridique autour de ces nouvelles drogues non répertoriées et qui se créent dès qu'une d'entre elles est prohibée. Pas de problème avec le système judiciaire, pas d'approche du milieu de deal (qui peut arrêter plus d'une personne désireuse de vouloir consommer) car les nouvelles drogues sont en vente sur internet et peuvent être envoyées par la poste, les avantages sont nombreux pour un public inséré, . Nouvelles drogues de synthèse, l'explosion
MDPV, ENERGIE 3, 4MMC, 3MEC sont très souvent injectées (ou par voie rectale), mais même si les effets semblent être moins intéressants la pratique se développe comme l'indique l'article des Inrocks.
La sexualité dans le milieu gay est au centre de ses pratiques (slam) et une étude montre que ces pratiques sont prisées par les séropositifs Etude AIDES . Les effets ressemblent à celles des amphétamines. L'addiction survient rapidement, la pratique partagée au départ et peut évoluer ensuite vers des pratiques solitaires.
Le Syndrome serotoninergique
Les Amphétamines libèrent de la sérotonine. Attention au surdosage, ou aux associations de médicaments(notamment lorsqu'il y a association avec des médicaments type anti-depresseurs, libérateurs eux aussi de sérotonine), il y a alors un risque de syndrome sérotoninergique. Syndrome serotoninergique
Les signes d'un tel syndrome sont:
- signes digestifs : nausées, diarrhée ;
- signes neuropsychiatriques : agitation, hallucinations, tremblements, rigidité musculaire, myoclonies, hyperréflexie ;
- signes du système nerveux autonome : tachycardie, élévation de la pression artérielle, sueurs, hyperthermie.
Ce syndrome peut entraîner coma et mort. Il est très important vérifier les interactions médicamenteuses et d'identifier les premiers signes (pupilles fixes, confusion, ..signes cités ci dessus). Voici un article très complet sur ce syndrome mais en Anglais : https://www.mja.com.au/journal/2007/187/6/serotonin-toxicity-practical-approach-diagnosis-and-treatment
L'arrêt des traitement, rafraîchir la personne, et parfois le recours à la cyproheptadine sont indiqués en cas de syndrome serotoninergique.
Bibliographie stupéfiante:
Frederic Beigbedder"nouvelles sous ecstasy", "Psychotic Reactions et autres carburateurs flingués" Lester Bongs, Hunter S Thompson "las vegas parano' (en anglais "Fear end loathing in Las Vegas" et bien d'autres ouvrages de cet auteur), "Last exit to Brooklyn" d'Hubert Selby Jr; "Misérable miracle : la mescaline" d’Henri Michaux, "Ecstasy" Ruy Murakami, "Speed" William Burroughs Jr, "Histoire des Amphétamines" Pascal Nouvel, "Sister of mercy Napalm Amphétamines et Misericordes, E Ralon, "Amphetamines and Derivatives'Jared Ledgard, "Accro au Speed, une histoire rapide des Amphétamines" Mick Farren, "La rage est mon energie" Johnny Rotten, "Sauve moi de moi même: comment j'ai rencontré Dieu, quitté Korn et suis encore en vie pour témoigner" Brian Welsh
Filmographie Stupéfiante
"Spun" Jonas Akerlund," Le loup de Wall Street" Martin Scorsese "Freeway" Oliver Stone, "Breaking Bad" (pour les séries)
"Elle était ma came ma dope mon amphétamine ..." MC Solaar
les Excitants/ Histoire de la Cocaine
On différencie 3 groupes de drogues
- Les excitants: Cocaïne, Amphétamines; Méthamphétamines (Ice, Crystal, Yabba), MDMA (ecstasy), Nicotine...Phénétylamines et Cathinones (Méphedrome, 3MMC, 4MEC, MDPV..) sont considérés comme des excitants bien que certaines se rapprochent dans leurs effets à la famille des hallucinogènes
- Les sédatifs: Opium, Héroïne, Alcool, Morphine, Barbituriques (Benzodiazépines, hypnotiques)
- Les Hallucinogènes: LSD, Cannabis, Champignons (Psilocybe, Panéole,, Plantes Hallucinogènes (Mangrove, Datura, Salvia) Mescaline, Colles et autres solvants, Kétamine, GHB/GBL
- Les stimulants stimulent les fonctions psychiques d'un individu. Elles augmentent le niveau d'éveil et l'activité cérébrale du cerveau.
Histoire de la Coca:
On retrouve 3000 ans avant JC des traces d'utilisation de la Coca dans certaines régions de l'Amérique latine, notamment dans les tombes. "On suppose que ces substances étaient mises pour faciliter le voyage après la mort comme elles les avaient aidé à traverser la vie" écrivent Jean Dugarin et Patrice Nominé dans Classification des psychotropes.
Les Incas avaient placé la Coca au centre de leur système social et religieux. La légende Inca veut que "Mando Capac", le « père » de la civilisation Inca, que l’on disait fils du soleil, avait rapporté du ciel la coca. Héritier du trône du Soleil, durant un temps de grande famine et de grande misère, il envoya un présage à son peuple sous la forme d'une comète rouge et étincelante et se manifesta par une feuille de Coca enflammée devant le palais du Roi Montana, qui comprit le message, et que son peuple ne ressentirait plus la fatigue ni la faim: la feuille de Coca lui donnerait l'énergie nécessaire. "Apportant ainsi endurance et force, permettant de supporter le froid, la maladie et la famine, la feuille de Coca faisait le lien entre santé et plaisir". (sic) La Coca était sacrée, utilisée dans les cérémonies religieuses : enterrement, mariages, et les célébrations de rites de fécondité et de sexualité. Mais l'usage de la divine Coca (Khoca "arbre" ou "plante") était réservée aux prêtres ou à l'aristocratie. L'octroi du droit de mâcher la coca signifiait l'admission au sein du pouvoir religieux ou politique. Le caractère restrictif de son usage a peut-être joué un rôle dans le contrôle de son usage.
En 1499 Americo Vespucci est le premier européen à s'intéresser à cette pratique. Il pense que la coca est utilisée pour étancher la soif. 50 ans plus tard Piedro Cieza de Leon interroge les indiens et s'entend répondre que la Coca apporte force et endurance et combat la faim. Mais la plante est méprisée en raison de son utilisation par des "indigènes".
Ce n'est qu'avec l'avancée de la médecine et notamment le travail d'isolation des alcaloïdes que prend forme un regain d'intérêt pour la coca. La cocaïne est le dernier des grands alcaloïdes à être isolée au XIX ème siècle, son nom lui ai donné par Albert Niemann, on commence à s'intéresser à ses vertus thérapeutiques.
Ainsi Angelo Mariani chimiste Corse, amoureux de la coca qu'il cultivait dans ses serres, fabrique en 1863 son célèbre vin Mariani, à base de Coca, très apprécié immédiatement par les musiciens et les chanteurs.
En 1894 un album de témoignage de reconnaissance fut consacré au vin Mariani. Y témoignent: le Tsar et la Tsarine de Russie, le Prince et la Princesse de Galles, les Rois de Suède et de Norvège, le commandant des Forces Françaises en Indochine, celui de l'armée Britannique, le Pape Léon XIII (qui ne quittait pas sa gourde parait-il), plus de 8 000 médecins, et des artistes tels: Emile Zola, Dumas fils, HG Wells, Jules Vernes, Anatole France, Edmond Rostand, Gounot, Rodin, Bartholdi, Thomas Edisson...et bien d'autres ...Vive le Vin Mariani à la Coca du Pérou!
En 1884 Freud publie le 1er des cinq articles qu'il devait écrire sur la cocaïne "Uber Coca" (hyper coca). Il décrit ses effets stimulants, recommande son utilisation dans le cadre de dépression, d'affections nerveuses, d'hystérie, d'hypocondrie, de neurasthénie, mais aussi pour des troubles digestifs d'anémie sévère. Evidemment il en décrit ses vertus aphrodisiaques, mais aussi comme un moyen de lutter contre la syphilis, l'asthme et le mal des montagnes. Il en justifie l'emploi comme anesthésique local, et comme une thérapie pour les alcooliques et les morphinomanes.
Il conseille son utilisation à un de ses amis morphinomane, pour se guérir de son addiction à la morphine . Ernst Von Fleich. Ce dernier se prit de passion pour les injections hypodermiques de cocaïne. Il mourut 7 ans plus tard. Freud est accablé.
Louis Lewin reproche à Freud de faire l'apologie de cette drogue, et A. Erlenmayer, de l'avis de Lewin, considère que la cocaïne est le 3ème fléau mondial après l'alcool et la morphine. Freud cesse son prosélytisme, sans pour autant arrêter d'en consommer de façon intermittente jusqu'en 1895, quand il commence son travail sur l’interprétation des rêves. Il pousse néanmoins un de ses internes, Koller, à s'intéresser aux vertus anesthésistes de la cocaïne, ainsi en 1884 sera découvert l'anesthésie locale.
Avec l'entrée de la cocaïne dans le champ thérapeutique on commence à compter le nombre d'addicts. William Halsted, médecin américain, qui démontra les effets de blocage du système nerveux par la cocaïne, se débarrassa de son addiction à la cocaïne en la remplaçant par la morphine, à l'inverse de Fleich.
En 1885 John S Pemberton, met sur le marché un "vin française à la coca", non alcoolisé avec de l'eau gazeuse, le coca-cola est né.
Mais des incidents vont entacher la réputation de la cocaïne, ulcérations nasales, insomnies, malnutrition, et aussi paranoïa.
mais, à l’inverse de l’opium des conquérants de l’Orient, de la morphine décadente, la cocaïne a laissé peu de traces dans la littérature française. "L’Ode à Coco" de Desnos est une exception,écrit Anne Coppel Anne Coppel Histoire des drogues
L'Allemagne produit avant la première guerre de la cocaïne, les américains en rapporte et en consomme avec les françaises à la libéralisation de la France en 45. Mais l'effet cocaïne est moindre par rapport aux opiacés. Les Américains viennent y boire l’alcool que la prohibition leur interdit, mais la cocaïne est aussi de la partie. "La garçonne, héroïne du roman de la femme libérée, en tâte bien que, comme Desnos, elle lui préfère l’opium. Il y aurait eu 80 000 cocaïnomanes à Paris en 1924 selon le préfet de Paris de l’époque – plus qu’aucun chiffre officiel récent. La popularité de la cocaïne aura été éphémère. Au tournant des années 1930, elle sombre dans l’oubli" (Anne Coppel).
En 1914 Le Harisson Act interdit la coca et la cocaïne, l'opium, la morphine et l’héroïne (en raison de l'utilisation conjointe de la cocaïne et héroïne nommé speedball )
En France la loi 1916 complète la loi de 1845 sur les substances vénéneuses, sont ajoutées à la liste: l'opium, la morphine et la cocaine (importation commerce et détention sont punis).
En retour Antonin Artaud écrit cette lettre Monsieur le législateur vous êtes un con
Malgré l'interdiction, la consommation de cocaïne s'est "démocratisée" à partir des années 1980, alors que son prix est plus élevé que sa compagne l’héroïne, la tendance de la consommation est à la hausse. En 1990 apparaissent les premières scènes de crack à Paris. La cocaïne prend du terrain et les saisies sont bien plus importantes que l’héroïne. le Sida et les overdoses ont donné une mauvaise image de cette drogue, la cocaïne y a t-elle gagné un marché? Les prix toujours en baisse et l'usage de cette drogue est en constante augmentation ces 10 dernières années selon l' ofdt.
Rappelons cependant que l'usage régulier de cocaïne augmente les risques d'accidents cardio-vasculaires. conséquences de la consommation de cocaïne
Cocaïnomanes célèbres: Freud, Thomas Edisson, Angelo Mariani, Sherlok Holmes, Robert Louis Stevenson, Hunter S Thompson, Lindsay Loan, Jean-Luc Delarue, tricky, Stephen King, Elvis Presley, Witney Houston, Kate Moss, Elton John, Johnny Halliday, Frederic Beigbedder, Laura Smet, Jacques Martin, Melanie Griffith Keith Richard, Yves Mourousi et bien d'autres. Les témoignages se font désormais sur internet: le blog Moi, Juliette F
Bibliographie Stupéfiante
"Crack" tristan Jordis, "Portrait d'un fumeur de Crack" Bill Clegg "Roman avec Cocaine" M.Agueev "Cocaine, manuel de l'usager" Julian Herbert "Narcissa" Jonathan Shaw, "Hell" Lolita Peel, "C la face noire de la blanche" Lolita Scene,